L'entrée au Paradis
Un guerrier nommé Nobushige est venu demander au maître Zen Hakuin Ekaku : « Le paradis et l'enfer sont-ils réels ? »
Hakuin lui demanda : « Qui es-tu ? »
Le guerrier répondit : « Je suis un samouraï. »
« Tu es un samouraï ! Quel seigneur engagera un garde du corps comme toi ? Tu as un visage de mendiant. »
Nobushige, furieux, dégaina son sabre, mais Hakuin poursuivit : « Il s'avère que tu as aussi un sabre ! Il est peut-être trop émoussé pour me décapiter. »
Sur ces paroles, Nobushige sortit son sabre du fourreau, Hakuin déclara : « Les portes de l’enfer s’ouvrent ici ! »
A ces mots, le samouraï, comprenant la leçon du maître, remit le sabre dans son fourreau et se prosterna.
« Maintenant, les portes du paradis s’ouvrent », dit Hakuin.
(extrait de Promenade dans le jardin du Zen de Đỗ Đình Đồng)
Après avoir lu cette courte nouvelle, nous comprenons que l’enfer ou le paradis peuvent être partout. En qualifiant à titre temporaire, une des portes de « Avidité, colère et ignorance », nous savons que c’est la porte vers l'océan de souffrances que le maître Zen appela la porte de l'enfer. En apposant temporairement l'étiquette "Amour - Compassion - Joie - Équanimité" sur l'autre porte, nous considérons que c’est la porte vers la mer de sérénité, vers le monde céleste ou le paradis comme dans la nouvelle. Ainsi, tous les autres mondes sont également nos états mentaux. Les six royaumes de la réincarnation et de même le royaume de la non-réincarnation ne sont pas un lieu précis. Ce ne sont que les nuances de notre esprit.
Cependant, selon le principe de « qui se ressemble, s'assemble », des fréquences vibratoires similaires s'attirent. Même dans la vraie vie, les personnes gentilles et aimables aiment fréquenter les personnes gentilles et aimables. Les amateurs de vin se lient d'amitié avec les gens qui aiment le vin. Les personnes d'une région aiment se retrouver avec les personnes de la même région, etc.
Dans un des suttas, le Bouddha parlait également du karma collectif. Assis dans la salle de prédication, le Bouddha demanda aux moines de regarder à l’extérieur. Il leur montra que le groupe de personnes entourant Sariputta était composé de moines sages ou qui aimaient la sagesse. Le groupe entourant Moggallāna était composé de moines qui avaient des pouvoirs surnaturels ou qui aimaient les pouvoirs surnaturels, etc.
En somme, il est possible que des consciences ayant un karma similaire se rassemblent dans un seul royaume. Comme dans le monde des humains. Par conséquent, il se peut également que les différents royaumes tels que : des êtres célestes, des humains, des asuras (esprits affamés), des animaux et des enfers ont des territoires distincts. Il est difficile de franchir leurs frontières. Même si nous le voulons, nous ne pouvons pas nous déplacer librement jusqu’aux cieux pour les voir. Ou bien nous ne pouvons pas visiter l'enfer. Nous ne savons pas où se trouvent vraiment ces royaumes dans cet univers.
Notre seule préoccupation est simplement de nous entraîner pour transformer notre Karma afin de pouvoir vivre dans de bons royaumes tels que le monde céleste et celui des humains. En fait, il s'agit de transformer notre mental. Parce que d’un mental pur, doux et sage naîtront des pensées bonnes et sages, des paroles douces, honnêtes et utiles, et des actions appropriées, apportant des bienfaits à soi-même et aux autres. De cette façon, les trois karmas (pensées, paroles, actions) s’amélioreront progressivement, permettant au mental d’être plus calme et plus paisible.
Ainsi, toutes les méthodes de pratique du bouddhisme ont pour objectif de transformer notre mental, de le rendre meilleur, moins égoïste, moins frivole, moins perturbateur, moins avide des tentations du monde. Par exemple, les préceptes et les rappels du Bouddha nous dictent à contrôler nos actions et nos paroles. Par exemple, la Contemplation (Vipassana) nous permet de développer la sagesse, la compréhension des lois naturelles de la vie afin de pouvoir nous adapter aux changements soudains ou inattendus. Par exemple, le Samadhi nous entraîne à préserver notre mental des attachements aux événements avec lesquels il entre en contact. Par exemple, la Sagesse (Vipassanā) nous permet de conserver une connaissance objective, sans pensées ni jugements, sur les événements du monde. Par exemple, la Sagesse Prajna/Panna, qui est les vérités ultimes, la compréhension de la nature de la vie comme la Vacuité et l'Illusion, nous permet de rompre tous les attachements à la vie, et ainsi d'être détaché et libéré.
Une fois que nous avons saisi l’essentiel de la pratique, nous choisirons la méthode qui nous convient. Ensuite, nous avançons tout droit sur ce chemin.
En fin de compte, il s’agit tout simplement de rester loin des portes de l’enfer et d’essayer d’atteindre les portes du paradis. Comme dans la brève leçon du maître Zen Hakuin mentionnée ci-dessus. Notre première étape consiste à transformer le mental ordinaire rempli d’avidité, de colère et d’ignorance en un mental bon et pur, que l'on pourrait appeler le mental du saint, c'est-à-dire une personne éveillée qui poursuit le chemin de l’éveil. Avec à sa disposition deux bagages : la Compassion et la Sagesse pour soi et pour autrui.
Donc en réalité, chaque méthode de pratique : les Préceptes, la Contemplation, la Concentration et la Sagesse sont toutes importantes. Elles mènent toutes au même but. Aucune méthode n'est supérieure à l'autre. Aucune méthode ne va plus vite que l’autre. Mais à 2 conditions :
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savoir choisir la bonne méthode adaptée à sa prédisposition; cela veut dire connaître nos préférences, nos capacités, notre situation familiale, notre cadre de vie, notre humeur, etc.
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avoir de la sagesse, c'est-à-dire comprendre clairement le processus de transformation depuis l'étape initiale jusqu'à l'étape finale. Ce qui signifie que, même si nous ne sommes pas encore parvenus, nous devons parcourir ce chemin de vérité, du conventionnel jusqu'à l'ultime, pour être complet. Ce n'est qu'au niveau ultime que les quatre méthodes de Vertu (les Préceptes), Contemplation (Anupassana), Concentration (Samadhi), Sagesse (Prajna) se rejoignent.
Je vais approfondir cette idée pour la rendre plus claire.
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Les Préceptes :
au départ il y a des interdits spécifiques : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre d'adultère, ne pas mentir, ne pas boire d'alcool, etc. Ce sont les premières étapes de la pratique, temporairement appelées respect des préceptes. Mais si nous observons strictement ces 5 préceptes, nous deviendrons aussi une personne exemplaire au sein de notre famille et de la société. Nous n'aurons plus de mauvaises paroles ou actions, parce que notre conscience ou notre mental est devenu vraiment pur. Qu'est-ce qu'un mental pur ? C'est un mental qui s'est ralenti progressivement. Avec une pratique continue, ces expériences s'impriment dans notre mémoire et deviennent une conscience condensée. Et c'est une conscience non verbale. Cela signifie atteindre le Samadhi. C'est la concentration dans le mouvement. La Vertu formelle deviendra à ce moment-là une vertu immanente, en nous.Nous vivrons alors sans causer du tort et en harmonie avec la vie. C'est aussi vivre dans la sérénité, la liberté et mettre fin à la souffrance.
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Anupassana :
dans la Contemplation, il y a un sujet à observer ou à méditer. Une fois que nous le comprenions clairement, nous obtiendrons la sagesse transcendante. Les sujets sont généralement : l'impermanence, les relations de cause à effet... Une fois compris et appliqué dans la vie, le mental sera en paix face aux hauts et aux bas de la vie. Nous pouvons désormais nous imprégner de ces vérités. Le mental s'immobilise lentement et devient calme et paisible, ce qui conduit également au Samadhi. Nous savons qu'il existe de nombreux niveaux de Samadhi, du rudimentaire à la stabilité parfaite. -
Samadhi :
Nous savons que tous les événements de la vie ont d'innombrables états, d'innombrables niveaux ou d'innombrables qualités différentes. Tous sont en constante évolution. Anupassana, ou Préceptes, ou Samadhi ou Prajna, chacun étant un flot qui s'écoule en continu, différent à chaque instant. Alors nous ne pouvons jamais affirmer à quel niveau nous y sommes, c'est juste notre flux mental. Il ressemble à un cours d'eau qui coule et qui ondule. Nous sommes incapable de dire quel est le nom de cette partie de la rivière et quel est le nom de cette autre partie. Donner un nom est une vue artificielle des gens ordinaires. Le flux mental change plus rapidement que la rivière. Il est beaucoup plus subtil et plus complexe. De ce fait, le Bouddha a temporairement présenté son mental à travers 4 états :1. une sensation de joie suite à l’annihilation du désir et la suppression des actes malhonnêtes,
2. un état d’allégresse résultant du samadhi,
3. une sortie de l’état d’allégresse et seulement la présence d'un état de lâcher-prise,
4. et à la fin, ne plus se soucier des sensations pour atteindre une immobilité totale. Le mental est devenu complètement pur, calme et vide.
Les quatre niveaux de Samadhi ne sont qu’un seul processus mental. Le mental est la connaissance (la conscience). C'est pourquoi, pour nous guider, notre Maître a essayé de classifier les 4 nuances de ce flux de Connaissance comme suit :
1. la Connaissance sans parole : c'est le premier pas, la connaissance n'est pas encore solide.
2. la Connaissance tacite : la connaissance sans parole dure plus longtemps et devient plus stable.
3. la Conscience éveillée : la connaissance devient claire et permanente dans la vie quotidienne.
4. la Cognition : la conscience claire, complète et profonde devient une cognition condensée non verbale.
- Prajna :
provisoirement subdivisée en 2 niveaux : Vipassanā et Pannā. En voyant objectivement les phénomènes du monde, le mental s’immobilise. Lorsque vous le pratiquez de manière assidue, vous atteindrez également le Samadhi. Les sujets de pratique sont : la Réalité telle quelle, le Vide, l'Illusion, l'Ainsité. Cependant, avant d'obtenir l'expérience du Samadhi, nous avions déjà une certaine compréhension de la Vraie Nature de la vie et nous avions donc une sagesse/clarté d'esprit, provisoirement nommée : la Sagesse du Tel quel, la Sagesse de la Vacuité, la Sagesse de l'Illusion, la Sagesse Ainsi.
Après avoir compris, nous passons à la pratique en utilisant la Connaissance non verbale. Lorsque l’état sans paroles est stable, toutes les expériences sans paroles sont stockées dans notre mémoire, dans notre conscience condensée. À ce moment-là, la connaissance sans paroles s’est solidifiée et est devenue une conscience sans paroles. Par exemple, nous avons bien compris le sujet : qu'est-ce que l'Ainsité, ensuite, nous réalisons immédiatement : notre mental à cet instant est le mental Ainsi, incapable de s'exprimer ou de décrire avec des mots. Quand vous voyez une scène, la scène est seulement ainsi. Cet état est complètement sans parole, appelé imprégnation de l'Ainsité.
Ci-dessus, je n'ai présenté qu’à titre indicatif toutes les méthodes de pratique : les Préceptes - Contemplation - Concentration - Sagesse, qui conduisent toutes au même résultat général. Pourquoi je n'ai pas mentionné le Samatha (le calme mental) ? Parce que le Samatha n'est que la première étape d'un mental calme, avant d'atteindre le Samadhi. C'est pourquoi je n'ai parlé que du Samadhi, qui inclut aussi le Samatha.
En conclusion, qui ouvre les portes du paradis ou de l'enfer ? C'est nous, c'est notre choix. Nous sommes maîtres de notre vie. Rappelons-nous toujours cela.
Le flux de la vie est toujours le même depuis la nuit des temps. Comment nous voyons la vie ? Quelles expériences retenons-nous de notre vie ? Ce sont celles que nous voyons, celles que nous aimons, celles que nous voulons, celles que nous choisissons.
7- 9- 2020
TN
Traduit par Nhất Hòa, relu par Hồng Thuý
Source : CỬA THIÊN ĐÀNG, www.tanhkhong.org
Auteur : Triệt Như
Publié le : 08/12/2024
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