Ce matin, il fait chaud et ensoleillé. Il y a quelques jours, il a plu régulièrement pendant la journée et la nuit. La pluie n'était pas forte. En Californie, on n'entend jamais le tonnerre et on ne voit jamais d'éclairs dans le ciel. Le ciel n’était couvert de nuages noirs, juste gris blanchâtre. Et les gouttes de pluie claires éparpillaient le toit et faisaient du bruit. Elles tombaient aussi lentement sur la cour en ciment avec des flaques d'eau formées pendant la nuit. Elles tombaient doucement et silencieusement sur la cour, touchaient les flaques, puis éclataient, s'envolaient et disparaissaient. Celles qui se déposaient sur les feuilles ou les fleurs restaient parfois là, scintillantes et cristallines.
Les petites gouttes de pluie sont si mignonnes, limpides et incolores. Mais ce matin, lorsque le soleil s'est levé, ses rayons obliques ont illuminé les feuilles et les fleurs, les faisant scintiller et briller comme si elles étaient serties de diamants. Chaque goutte reflétait de multiples couleurs.
Ah, alors la vie n’est faite que de jours ensoleillés et de jours de pluie. Avant, je pensais que la vie se résumait à des jours de rencontres et des jours de séparations. En réalité, le temps n’est qu’une alternance de jour et de nuit ; lorsque le jour se termine, la nuit commence, et lorsque la nuit finit, le jour revient, ainsi de suite. C’est la nature des choses, ça ne peut pas être autrement.
Le monastère possède trois pots de fleurs d'abricot jaune, les fleurs de Maï. Deux d'entre eux étaient en pleine floraison le mois dernier. Les jours précédents, pluvieux et venteux, de nombreuses fleurs fanées sont tombées. Aujourd'hui, la dernière des trois plantes a lentement commencé à fleurir pour accueillir le printemps. La rangée de jonquilles le long du hall principal a montré ses couleurs flamboyantes dans le vent d'hiver. Mais elles se fanaient. Avec le printemps, des fleurs rouges sont apparues sur les deux pêchers. Aujourd'hui, elles sont aussi en lambeaux sur l'herbe à cause de la pluie et du vent, et il ne reste que les pousses vertes sur les branches. Depuis peu, l'arbre de Maï blanc porte des fleurs blanches qui, vues de loin, ressemblent à des flocons de neige sur les maigres branches brunes. Les rangées de Portulaca, par temps chaud, ouvrent leurs splendides fleurs jaunes pour accueillir la lumière du soleil. À côté d'elles, les fleurs de Portulaca rouge font saillir leurs toutes jeunes pousses sur chaque branche. Les buissons de Portulaca violette sont plus grands, ils ont poussé après quelques pluies et sont maintenant pleins de bourgeons violacés et verdâtres. La cour du monastère est remplie de fleurs variées à chaque période. Lorsque le printemps s'achève, l'été arrive avec les fleurs violettes des flamboyants. Puis l'automne revient avec ses feuilles dorées qui tomberont ensuite sous les rafales de l'hiver...
Qu'il est beau de regarder la nature ! Un tableau sous nos yeux, si paisible avec ses différents couleurs profondes, le vert des feuilles, le bleu du ciel. Dans la verdure des feuilles, des fleurs rouges et jaunes sont éparpillées ici et là. Dans le spectre bleu du ciel se trouve les nuages blancs qui planent. Dans le tableau, il y a aussi une brise qui secoue légèrement les branches de poivrier. Le soleil n'est pas là, mais il fait clair et chaud. Un petit oiseau à la longue queue s'envole soudain vers le bas et traverse la cour en sautillant. Quelques petites brises de vent : toutes les feuilles de poivrier bougent en rythme selon la direction du vent. Une danse sans musique pourrait-elle être aussi belle ?
Dans ce petit espace, il y a tout, le sol, l'eau, l'air et la chaleur, le ciel et les nuages, ainsi que la lune et les étoiles. Au premier coup d'œil, nous pouvons constater que tous ces éléments sont tranquilles, qu'ils existent innocemment en harmonie avec d'innombrables conditions et phénomènes nécessaires.
En même temps, nous savons que chacun d'entre eux vit en pleine énergie à chaque instant. Ils transportent l'eau du sol et la lumière du soleil dans chaque feuille, puis font circuler ces substances collectées de manière à ce qu'elles se transforment en la couleur jaune des fleurs d'abricot, le blanc des fleurs de cerisier et même les parfums. C'est vraiment merveilleux.
Observer silencieusement les fleurs avec leurs feuilles, l'herbe et les plantes chaque jour au monastère peut nous aider à percevoir clairement un grand nombre de vérités dans la vie.
L'herbe et les plantes accueillent naturellement la pluie et le beau temps. Aucune réaction de leur part. Le soleil brille toujours et partout sur la terre. Le vent souffle partout. La pluie se répand uniformément sur le sol. Toutes les espèces végétales, écureuils, lièvres de montagne, petits oiseaux... vivent en paix et en liberté. Aucune espèce n’empiète sur une autre. Tous s'immergent dans le rythme de la vie et le flux fervent de transformation du vaste cosmos qui les entoure.
Alors comment se fait-il que nous, les nobles êtres sensibles dotés d'émotions et d'intelligence, ne soyons pas satisfaits ? Comment se fait-il que la vie humaine devienne un océan de souffrances ? Nous avons de nombreuses réponses. Et chacune d'entre elles est correcte.
Parce que nous ne voulons pas vivre en bonne harmonie avec les conditions et les phénomènes actuels. Nous ne voulons pas nous entendre avec les autres ni rester dans l'unité. Nous voulons gouverner la nature et contrôler les autres. Parce que les désirs émergent toujours en nous : richesse, beauté physique, célébrité, abus de nourriture et de confort. Parce que nous ne tenons pas compte des vérités du monde. Nous sommes ignorants et inconscients.
Par conséquent, pour atteindre la paix mentale et le bonheur, nous devons comprendre l'impermanence de la vie. Nous devons être détachés des changements soudains de santé, de richesse, des honneurs, de vieillissement, de maladie et de mort qui nous arrivent, à nous et à ceux qui nous entourent. En allant plus loin, il faut reconnaître que tous les phénomènes, toutes les choses, toutes les créatures apparaissent en raison des causes et des conditions favorables. Un jour, chacune d'entre elles prend fin. Leur nature est vide, il n'y a rien de solide à l'intérieur. Nous ne pouvons pas les posséder, nous ne pouvons pas nous fier à eux, nous ne pouvons pas leur faire confiance du tout.
Il est normal, naturel et raisonnable que des phénomènes apparaissent, changent et se terminent. Si nous comprenons cela, lorsque quelque chose apparaît ou disparaît, nous ne serons ni heureux ni tristes. Notre esprit est alors serein et paisible. Et nous nous rendons compte que partout est notre maison spirituelle ; chaque phénomène, fait, événement, situation ou être, porte les vérités de l'impermanence, de l’interdépendance de tous les phénomènes conditionnés, du non-soi et de la vacuité... Les sons du Dharma du Bouddha résonnent alors dans l'univers infini. Par conséquent, le monde dans lequel nous nous trouvons est bien la terre de Bouddha, mes chers amis.
Bhikkhuni Thích Nữ Triệt Như
Monastère Ṥūnyatã, le 03 Avril 2024
Source : Cõi Phật ở đâu ?, tanhkhong.org
Traduit en français par Marc Giang, relu par Tuệ Tỉnh.
Note du traducteur :
(*) Selon la cosmologie bouddhique ancienne, une terre de bouddha est la sphère d’influence spirituelle d’un bouddha particulier, un être suprêmement et parfaitement éveillé, qui est responsable du bien-être spirituel de tous les êtres vivants de tous les systèmes de mondes au sein de ce grand univers, voire au sein de plusieurs grands univers. Si les êtres qui vivent dans un grand univers ont de la chance, ils peuvent, qu’ils le sachent ou non, vivre aussi dans une terre de bouddha. (www.centrebouddhisteparis.org).
Auteur : Triệt Như
Publié le : 24-11-2024 - 08:59